La fête de mille et une manières

Hanaa Khachaba Nevine Ahmed Samedi 10 Août 2019-15:14:54 Dossier
La fête de mille et une manières
La fête de mille et une manières

L'esprit festif chez les Egyptiens est bien contagieux. Quand c'est la fête qui s'annonce, vous le ressentirez au vrai sens du mot. Des échanges de visites, au sms de vœux, en passant par les parcs et les plages, et bien-sûr l’immolation des moutons, l’Eid Al-Adha se vit de mille et une manières à l'égyptienne !

 

Les Egyptiens sont réputés et depuis les temps les plus anciens pour leur amour des fêtes. Habitudes et coutumes diffèrent peut-être d'une époque à l'autre, mais les rites restent toujours presque les mêmes. En période de fête, les Egyptiens envahissent souvent rues, parcs et plages et s'en donnent à cœur de joie. Chaque ménage, en fonction de ses moyens, décide des activités à faire et des endroits à s'y rendre. Pauvres et riches partagent un large éventail de choix. L’Eid Al-Adha a aussi ses traditions, avec l’abattage des moutons, ou des vaches, comme dicte la religion.

Si par le passé, les gens échangeaient les visites pour se souhaiter un heureux Grand Baïram, avec la technologie de télécommunications, aujourd'hui, on le fait par sms. Les quelques millions d'abonnés partagent leurs vœux via un message électronique sur cellulaire. La fête n'est désormais plus juste une occasion pour célébrer, mais aussi une occasion pour donner une vraie description du panorama de la scène politique, économique et sociale.

Des messages qui s'échangent quelques jours avant la fête et le jour même- en un clin d'œil par un simple click sur le bouton "envoyer" de vos portables. Ces sms que l'on envoie aux collègues, aux amis et aux membres de la famille, remplacent de plus en plus les coups de fil et les visites de courtoisie que l'on échangeait auparavant. Ce bouton magique se présente comme le sauveur à un moment où le rythme accéléré de la vie est roi.

Ces messages ont aussi et à leur tour évolué avec le temps et la conjoncture, inspirés donc par la situation sociale, économique et parfois politique en Egypte.

Pas d'inconvénient, si les messages de vœux à l'occasion de la fête seraient des anecdotes comiques pour critiquer la politique du gouvernement ou seraient une sorte de dérision sur soi et sur autrui avec des commentaires pleins de sarcasme, reflétant les préoccupations de l'opinion publique et le sujet le plus courant parmi les citoyens.

Pendant la fête aussi, la tradition égyptienne veut qu’on n’oublie pas les morts. Alors, au premier jour, des familles vêtues en noir, des sacs plein de petites pâtisseries orientales vont au cimetière pour réciter du Coran et implorer Allah de pardonner à ceux qui ont quitté leur monde. Une coutume propre aux Egyptiens, leur rappelant de se souvenir, au milieu de la joie et de la gaieté de la fête, de la vie éphémère.

Pour les enfants, cette fête signifie les balançoires, les nouveaux habits, la viande, les jeux, les visites familiales, la promenade dans les jardins, le cinéma, la rencontre des amis. Une foule d'activités pour toute la famille qui réjouit grands aussi bien que petits. Riche en couleurs, le Grand Baïram chez nous est aussi bruyant.

Le matin, ce sont les pétards et en soirée, ce sont les feux d'artifice qui sont maîtres. Les chants de fête dégagent de partout, mêlés aux sons assourdissants des petites bombes artisanales (petites boules en papiers bourrées de poudre à canon et ficelés avec de fils métalliques de fabrication enfantine qu’on connaît couramment par les pétards). C’est un jeu traditionnel lié aux périodes fête.

 

De petits métiers au goût de la fête

Si c’est la fête du mouton, la vente des outils nécessaires à la boucherie atteint le pic. Il en est de même pour le matériel du barbecue comme le charbon, les brochettes, les grils, les épices et les planches à couper. Les magasins sont abondamment garnis de ces nécessités et même des rayons entiers leur sont réservés dans les supermarchés et les souks populaires.

La fête du sacrifice fait le bonheur non seulement aux égorgeurs de moutons, mais aussi aux aiguiseurs de couteaux. Ceux-ci arpentent les rues à la recherche d’une clientèle qui se veut abondante en cette période d’année. S’il est une période où la vente des moutons est épanouie, c’est bien celle de l’Eid Al-Adha, où couteaux et haches sont des maîtres.

Tout le monde doit avoir des couteaux à la lame bien effilée afin de manier la viande en professionnel !  En période de la fête, les aiguiseurs de couteaux sont tellement sollicités qu’ils ne savent plus où se donner la tête. Il en va de même pour les bouchers. Ils travaillent certes pendant toute l’année, mais leurs affaires fleurissent pendant la fête du sacrifice.

Et dans un mouton, rien ne se perd, tout s’utilise. Intestins, cornes, queue et…la peau.

Cela nous conduit donc à un autre métier…celui du vendeur de peaux de moutons. Ce métier rapporte gros puisque la peau demeure cette pièce de valeur que les vieilles maisons apprécient beaucoup.

Le tanneur et le vendeur de peaux de moutons sont des métiers liés l’un à l’autre.

A parler de l’Eid Al-Adha, c’est aussi parler des éleveurs de moutons. Dans quasiment chaque rue, la grande tente des moutons se dresse. Ils ne sont pas des bergers. Mais la chaîne intermédiaire entre le berger et le boucher. Le mouton, principal décor des rues égyptiennes pendant la fête du sacrifice, est vendu sur les trottoirs ou en pleine rue, souvent accompagné de quelques chèvres et boucs. Des bœufs sont aussi présents. Les trottoirs sont aussi garnis par des moutons jouets.

Ces métiers qui font la fête font aussi le bonheur des chômeurs. Pas mal de personnes désœuvrées trouvent l’occasion de faire quelques sous, en contrepartie d’un effort de seulement quelques jours. La fête c’est la joie. Ainsi tout le monde s’en réjouit-il pendant cette période de l’année où le mouton devient la pièce principale.

 

L’Eid Al-Adha ailleurs

Comment on célèbre le Grand Baïram à la comorienne

Quand la viande passe aux casseroles, c’est la fête au village, raconte un Comorien. Les enfants chantent et dansent. Les gens qui ne peuvent pas acheter un bœuf ou un mouton pour l’immoler le jour de la fête, ils ne font que tirer des poulaillers, un coq, s’ils en ont, sinon une poule. La joie est immense dans la cour. On va manger de la « viande » !

A la veille du jour de l’Eid Al-Adha, les enfants surtout ne dorment pas. Ils veillent toute la nuit à côté des leurs mamans qui travaillent dur pour les préparatifs de la fête. Elles changent le décor de la maison. C’est l’allégresse qui empâte les cœurs et renfle le ventre.

Dès l’aurore, les enfants prennent la douche avec de l’eau tiède et se rendent-avec leurs parents- à la mosquée pour attendre l’heure de la prière d’Al-Fajr (prière de l’aube). Dévorés de fatigue et de sommeil, après une nuit bleue, pour ne pas dire une nuit blanche. Le muezzin, lance l’appel à la prière d’Al-Fajr qui succède celle de l’Eid, deux heures plus tard. Ainsi commence une journée de réjouissance et de liesse.

A la sortie de la mosquée, frères et cousins, sœurs et cousines, les enfants comoriens font le tour du village. C’est le jour propice pour une visite familiale. Accompagnés des fois par leurs pères ou tout simplement par l’aîné de la maison, ils commencent à rendre visite aux grands-parents paternels et maternels. Ensuite, ils passent chez les tantes puis font un tour chez les voisins, avec les sachets bourrés de bonbons, de galettes et de madeleines.

 

… et dans quelques pays du monde

L’Eid Al-Kébir est nommé la “Tabaski” au Sénégal et dans les autres pays d'Afrique de l'Ouest francophone (Guinée, Mali, Côte d'Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Togo, Niger, Cameroun) et également au Nigeria.

En Afrique du Nord, il est appelé “Tafaska” chez les Maghrébins de tradition Amazigh, tandis que les autres Berbères, arabophones, utilisent le nom arabe.

En Turquie, il est appelé “Kurban Bayrami” et dans les Balkans, “Kurban Bajram”.

Dans les régions du monde où il n'y a pas de mouton, celui-ci peut être remplacé par une chèvre (comme en Afrique subsaharienne ou en Inde).

En Europe, la pratique de ce sacrifice à domicile est controversée. En France, cette pratique est interdite. Plusieurs pays européens organisent des abattages dans des abattoirs classiques ou mobiles.

Une grande première : en Tunisie, le mouton peut être commandé et acheté sur photo via internet !

 

En Algérie, la lutte entre moutons est la tradition la plus insolite

Des milliers de spectateurs se rassemblent, au premier jour de la Fête, pour voir la lutte entre moutons. C’est une tradition insolite que les Algériens tiennent à suivre et à garder. Avec le lever du jour, les gens portent le plus beau de leurs vêtements et ils accompagnent leurs enfants vers les places publiques et les mosquées pour faire la prière de l’Eid. Les femmes à la maison, préparent des mets spéciaux à cette occasion. Elles offrent les amendes, les pistaches et les confiseries aux visiteurs et aux voisins.

 

Au Pakistan, on met du henné sur la peau des moutons

Les musulmans du Pakistan ont une habitude un peu bizarre. Ils mettent du henné sur la peau des moutons, des bœufs et des chameaux. Toutes les catégories sociales pakistanaises procèdent à acheter les moutons pour les immoler à la Fête.

 

… et une course de moutons en Chine

En Chine, les années prennent le nom des animaux. A titre d’exemple, l’année du singe, du chien et l’année du mouton. D’après une ancienne légende, les enfants qui sont nés au cours de l’an du mouton, ils sont nés pour devenir plus tard, des gouvernés et non des dirigeants. La légende va même jusqu’à dire que ces enfants ne mèneront pas une vie conjugale réussie et auront des problèmes dans leurs emplois.

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